Janie et Ostad ElahiUne personnalite lumineuseLe memorial


En terre du Perche vendômois, à la sortie de Baillou sur la route qui mène à Souday, le mémorial de Sainte Janie est le reflet d’une existence entièrement consacrée au service des autres et au divin. Malek Jân Nemati, surnommée affectueusement Janie, est née le 11 décembre 1906 à Jeyhounabad, village du Kurdistan iranien où elle a passé l’essentiel de sa vie. Femme vive et moderne, au fait des problèmes et des défis de son époque, elle s’est consacrée à expliciter les enjeux spirituels de l’existence et à faire reconnaître et respecter les droits de la personne humaine, particulièrement ceux de la femme, dans un environnement pourtant peu favorable à son action. C’est à Paris où elle séjourne pour des raisons de santé et au cours d’une opération du cœur, que Malek Jân quitte ce monde le 15 Juillet 1993, à l’âge de 87 ans. Les difficultés liées à un rapatriement dans son pays conduisent sa famille, dont la plupart des membres vivent en France, à souhaiter son inhumation sur le sol français. Ainsi, c’est le terrain d’une de ses amies de longue date à Baillou qui devient sa dernière demeure. Depuis, à l’initiative de ses proches et de ses amis, et avec le concours de l’association du mémorial de sainte Janie (AMSJ), un mémorial a été élevé en son souvenir conformément à sa tradition d’origine.

Malek Jân appartenait à une famille de notables issue d’une longue lignée de mystiques dont les origines remontent au quatorzième siècle. Ses aïeux s’étaient installés il y a environ deux cents ans à Jeyhounabad, village typique de maisons de terre qui abritait au début du siècle dernier plusieurs centaines d’âmes vivant essentiellement de l’agriculture.

Le père de Malek Jân, Hadj Nemat (1870-1921), réputé pour son intégrité, a exercé quelque temps la fonction de conseiller auprès du gouverneur de la région de Kermanshah. Mais à la suite d’une bouleversante expérience spirituelle, il a décidé de se consacrer tout entier à la voie mystique. Il a mené ainsi jusqu’à la fin de ses jours une vie rythmée par l’ascèse, la contemplation et la musique sacrée. Il a écrit de nombreux ouvrages poétiques, dont le Livre des rois de Vérité, publié par l'Institut français de recherches en Iran, sous la direction du philosophe français Henry Corbin. Hadj Nemat y retrace l’histoire spirituelle de l'humanité à travers le destin de grands saints de différentes traditions religieuses (zoroastrienne, juive, chrétienne et musulmane) issues d’après lui d’une seule et même Source. Sa force d’âme, sa foi incomparable et son souci de préserver les principes divins originels hérités de sa propre tradition ont fait de Hadj Nemat une figure recherchée, influente et respectée bien au-delà de sa région.

C’est dans ce contexte particulier que Malek Jân, deuxième d’une famille de sept enfants, a vu le jour. Son frère aîné, Ostad Elahi (1895-1974), né onze ans plus tôt, montrait déjà des dispositions spirituelles remarquables. Comme il le faisait avec son fils, et contrairement aux usages locaux qui n’accordaient que peu de considération aux filles, Hadj Nemat a pris grand soin de l’éducation intellectuelle, morale et spirituelle de Malek Jân.

La première grande épreuve de Malek Jân a été la perte de ce père bienveillant alors qu’elle n’avait que treize ans. Fidèle au vœu de celui-ci, elle a pris la décision de ne pas se marier afin de pouvoir se consacrer en toute liberté à sa vocation spirituelle. Elle s’est choisi un habit entièrement blanc, qu’elle a gardé sa vie durant, en guise de symbole de son union à Dieu. Vers l’âge de quatorze ans, Malek Jân a commencé à ressentir aux yeux des douleurs qui se sont progressivement intensifiées. A vingt ans, elle avait perdu la vue définitivement. A ce sujet, elle disait : « Dieu m’a pris la vue, mais Il m’a ouvert la porte du Royaume des Cieux et personne ne peut imaginer ce que j’y ai gagné ».

Si la cécité n’avait pas entravé sa quête, les mondes intérieurs auxquels elle accédait désormais s’avéraient parfois déroutant : « Les univers spirituels étaient d’une telle richesse qu’après le départ de mon père, je me trouvais désorientée. J’ai cherché incessamment une direction spirituelle et ce n’est que vers l’âge de trente ans que je l’ai trouvée en la personne de mon frère [Ostad Elahi]. Tout ce que j’ai compris et transmis par la suite, ce sont ses enseignements et ses principes. Tout ce que je sais vient de lui. J’ai été très heureuse qu’il m’accepte comme son élève ». Suivant les conseils de ce frère, auquel elle était unie par une affection profonde et un lien spirituel particulier, Malek Jân a opté pour une démarche spirituelle plus rationnelle, une voie reposant sur la connaissance de soi et le discernement, qu’Ostad Elahi jugeait plus conforme à la nature de l’être humain. Par la suite, pendant plus de vingt ans, Malek Jân a résidé tantôt à Jeyhounabad, tantôt auprès de son frère, dans les villes d’Iran où il était muté de par sa fonction de magistrat.

Malek Jân nourrissait pour les autres beaucoup d’affection et de bienveillance, si bien qu’elle était tour à tour une mère, une sœur, une conseillère, une confidente, et enfin un guide pour ceux qui cherchaient une direction spirituelle. Malgré la discrétion dans laquelle elle a toujours souhaité vivre, sa renommée s’est peu à peu accrue et des visiteurs, de toutes les cultures, de plus en plus nombreux se déplaçaient pour la rencontrer. C’est pour des raisons de santé que Malek Jân a quitté son village en 1993 pour la France où elle a fini ses jours. Son œuvre l’a élevée au rang de sainte dans son pays d’origine où sa mémoire est honorée par des milliers de personnes.

Malek Jân a laissé une quarantaine de manuscrits en langue kurde et persane. Parmi eux figurent quelques recueils de poèmes mystiques(1). D’autres ouvrages regroupent ses conseils et ses recommandations aux femmes.

(1) Les traductions de certains poèmes sont disponibles dans deux ouvrages publiés chez l’éditeur Diane de Selliers

Bibliographie



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